La maladie de Lapeyronie est une pathologie touchant l'une des principales enveloppes du pénis que l'on nomme l'albuginée. Il s'agit de l'enveloppe qui entoure et contient le tissu érectile. Cette maladie est souvent assimilée à un trouble de la cicatrisation: elle pourrait être la conséquence de microtraumatismes répétés de l'albuginée à l'origine d'un processus cicatriciel anormal aboutissant à la formation d'une ou plusieurs plaques fibreuses inextensibles. Lors de l'érection, ces plaques ne s'expandent pas comme le reste du pénis sous la pression du gonflement du tissu érectile. Par conséquent une courbure se produit du coté où la plaque l’entraine. Cette courbure peut être plus ou moins importante ou complexe (ex: déformation en entonnoir, rétrecissement ou torsion de verge) et ne se voit qu'en érection. Quand la verge est au repos, on peut palper ces plaques qui forment parfois des nodules durs comme un cailloux dans l'épaisseur de la verge. Enfin, il peut arriver que cette plaque compromette la vascularisation du pénis entrainant alors des troubles de l'érection.
Les principaux symptômes associés anomalie Lapeyronie sont des douleurs au moment de l'érection (lors de la phase de la constitution de la plaque fibreuse), un trouble de l'érection, et enfin (et surtout) une déformation du pénis à l'érection (et non à l'état de flaccidité) pouvant gêner voire empêcher toute pénétration. La maladie de Lapeyronie peut d'autre part engendrer un retentissement psychologique majeur. Il est donc important de prendre en charge l'aspect « anatomique » de la maladie ainsi que sa dimension psychologique. Tous les cas de figures sont possibles depuis la simple courbure à peine perceptible jusqu'à la plicature majeure avec incapacité d'obtenir une érection rigide. Une perturbation de l'image corporelle majeure peut parfois être ressentie même pour une déformation minime.
On estime que la maladie de Lapeyronie affecte 9 % de la population générale masculine. Dans certaines populations de patients notamment ceux ayant eu un cancer de prostate, suivis pour un diabète, ou présentant une maladie de Dupyutren, la fréquence est plus élevée et pourrait toucher jusqu'à 20 % des patients.
La maladie évolue habituellement en deux phases: une première phase inflammatoire au cours de laquelle la plaque se constitue. C'est la phase active: la verge se déforme alors progressivement et un trouble de l'érection peut s'installer. Puis, la plaque se stabilise et arrête d'évoluer. Elle peut se calcifier formant alors un nodule dur comme un cailloux: la déformation de la verge et le trouble de l'érection n'évoluent plus. La courbure de verge s'accentue donc progressivement pendant la phase active même si elle peut aussi s'améliorer dans 10 à 15 % des cas. La douleur lors des érections qui caractérise la phase active disparaît chez la plupart des patients. Cette phase de stabilité survient en général entre 6 et 12 mois après le début de la maladie. Il est à noter que des rechuttes sont possibles avec apparition d'autres plaques inflammatoires dans le temps.
Plusieurs sociétés savantes d'urologie se sont penchée sur le problème et ont émis des recommandations de prise en charge. Nous en livrons ici un résumé ainsi que nos observations personnelles.
– Évaluation de la maladie de Lapeyronie et de ses conséquences : le questionnaire IIEF et le questionnaire PDQ peuvent être utilisés pour évaluer respectivement la fonction érectile et le retentissement de la maladie de Lapeyronie. La réalisation d’une photographie de la verge en érection (à la maison) peut être utilisée afin d'évaluer l'importance de la courbure. La méthode de référence pour l'évaluation de la courbure du pénis étant la réalisation au cabinet d'une injection intra-caverneuse de prostaglandine pour obtenir une érection maximale. Il faut au moins prendre une photo du dessus (tel que vous voyez votre verge) pour apprécier une courbure latérale et une photographie de profil afin d'apprécier une courbure vers le haut ou vers le bas.
– La réalisation d'un doppler pénien peut être demandée afin de d'étudier la vascularisation du pénis et confirmer la présence d'une plaque. Cet examen n'est pas obligatoire.
– Les examens suivants n'ont aucun intérêt dans le cadre d'anomalie Lapeyronie selon les principales recommandations des sociétés savantes: scanner, radiographie. Cependant, je pense qu'une IRM du pénis est utile afin de juger de l'état d'inflammation de la plaque. En effet, c'est à cette phase de la maladie qu'il faut être le plus actif pour enrayer son évolution (déformation et trouble de l'érection). Une inflammation importante n'est pas forcément corrélée à l'intensité de la douleur en érection mais justifie un traitement pour la réduire. Il est logique de considérer que la présence d'une inflammation "radiologique" ou d'une douleur à l'érection témoignent d'une activité de la plaque et donc de la possibilité d'une aggravtion des symptômes.
– Traitement médical de la maladie de Lapeyronie : il n'existe pas actuellement de traitement médical permettant de faire disparaître la plaque. Un traitement anti-inflammatoire peut être prescrit en phase active pour soulager les douleurs survenant pendant les rapports. La prise d'iPDE5 (Viagra, Cialis etc.) doit être envisagée en cas de dysfonction érectile concomitante: elle peut avoir un intérêt dans certains cas en augmentant la rigidification du pénis si la déformation rend difficile la pénétration. Les iPDE5 pourraient aussi avoir une action anti-fibrotique. Ce traitement n'a néanmoins que très peu d'effet sur la courbure pénienne. La plupart des autres traitements qui étaient classiquement prescrits n'ont maintenant plus d'indication dans la maladie de Lapeyronie en raison de leur inefficacité et leur potentiels effets secondaires: vitamine E, oméga-3, colchicine, Tamoxifène, Toco 500.
– La traction pénienne par un extenseur pénien. Ce traitement "mécanique" a probablement un rôle important dans la prise en charge de la maladie de Lapeyronie. Ce dispositif médical est constitué de deux anneaux, l'un est placé à la base de la verge et l'autre maintient le gland. Ces deux anneaux sont reliés par deux tiges métalliques qui permettent une traction continue de la verge. Il doit être utilisé lorsque la verge n'est pas en érection. La mise en place de ce dispositif pendant 3 à 4 heures/jour pendant 4 mois permet de récupérer une vingtaine de degrés. D'autre part, si une intervention chirurgicale est envisagée pour corriger la courbure, l'utilisation post-opératoire d'un tracteur pénien permet de limiter la diminution de longueur de verge habituellement survenant généralement après ce type d'intervention (- 1 à 2 cm en moyenne). L'alternative à l'extenseur pénien est le vacuum.
– Un traitement par ondes de choc est efficace en phase inflammatoire sur les douleurs péniennes. En revanche aucune efficacité n'a été démontrée sur la courbure du pénis.
– Injection intraplaque. Différentes substances ont été évaluées en injections directement dans la plaque de Lapeyronie dans le but d'assouplir la plaque et atténuer la déformation. L'utilisation d'une enzyme telle que la collagénase (Xiapex) a démontré une certaine efficacité, cependant ce traitement n'est plus commercialisé en France. L'utilisation de vérapamil ou de corticoïdes ou d'acide hyaluronique n'est pas recommandée voire déconseillée par la plupart des sociétés savantes. Actuellement l'utilisation de PRP (plasma enrichi en plaquettes obtenu à partir d'un prélèvement sanguin du patient) pourrait être proposée en alternative au Xiapex. Le PRP a une double action régénérative et anti inflammatoire démontrée qui pourrait ainsi permettre d'assouplir la plaque et d'arrêter l'inflammation à l'origine de la déformation. Il est à noter que l'injection de PRP dans les corps caverneux (ou P-Shot) représente désormais l'un des traitements reconnus des troubles de l'érection. Dans le cadre de la maladie de Lapeyronie, l'injection de PRP pourrait donc avoir une action à la fois antalgique en phase active, favorisant l'érection et atténuant la courbure. L'injection de PRP peut être combinée à une fragmentation de la plaque à l'aiguille (intervention de Leriche) limitant ainsi son effet de rétraction de la verge.
– Il est recommandé d'envisager une combinaison de plusieurs traitements pour optimiser le résultat notamment avant d'envisager la chirurgie.
– La chirurgie reste le traitement de référence en phase de stabilité lorsqu'il persiste une courbure gênant la pénétration. Il est formellement contre indiqué de pratiquer ces interventions pendant la phase inflammatoire. Plusieurs interventions peuvent être proposées. L'indication dépend de l'importance de la courbure et de la déformation du pénis qui peut parfois être complexe (ex: rétrécissement ou déformation en sablier):
- une plicature de l'albuginée sur le versant opposé à la courbure peut être proposée en cas de courbure modérée, d'absence de courbure complexe (sablier), de longueur pénienne satisfaisante et d'érection normale avec ou sans traitement. Plusieurs techniques de plicature peuvent être proposées aucune a montré sa supériorité. Le principal effet secondaire de ces interventions est la diminution de la longueur de la verge en érection pouvant atteindre 1 à 2 cm. Ceci peut néanmoins etre évité si un tracteur pénien est utilisé en post opératoire.
- en cas de perte de longueur du pénis, de courbure pénienne sévère (> 60°), de déformations complexes et si il n'y a pas de trouble de l'érection, il est préférable d'envisager une incision ou une excision de la plaque accompagnée d'une greffe pour combler le défect causé par ce geste. Il est préférable de ne pas utiliser de greffe synthétique en raison du risque infectieux.
- en cas de déformation complexe associée à un trouble de l'érection sévère ne réagissant pas aux iPDE5, la mise en place d'une prothèse pénienne doit être proposée car elle permet généralement de régler à la fois le problème de dysfonction érectile et celui de la courbure pénienne. Il est préférable de mettre une prothèse gonflable (titan, Coloplast ou LG X, Boston scientifique).
En résumé:
- Une maladie complexe car touchant à l'intime avec une déformation anatomique parfois importante pouvant entraîner un retentissement psychologique majeur.
- Les douleurs à l'érection de la phase inflammatoire finissent toujours par régresser.
- On peut envisager un traitement par ondes de choc pour atténuer les douleurs si besoin.
- Il n'y a pas de traitement médical réellement efficace pour atténuer la déformation de verge. La prise d'anti-inflammatoires ou d'iPDE5 (ex: Viagra ou Cialis) peut éventuellement être proposée mais n'aura pas d'effet sur l'évolution de la courbure.
- L'utilisation d'un extenseur pénien (ou d'un vacuum) joue un rôle important dans la prise en charge.
- Les injections de PRP occuperont probablement une place importante dans la prise en charge de cette pathologie, depuis que le Xiapex a été retiré du marché. Ce traitement pourrait notamment stopper l'évolution à la phase inflammatoire active et donc avoir un intérêt à la phase précoce de la maladie. D'autre part, l'injection de PRP peut être associée à une fragmentation de la plaque à l'aiguille.
- La chirurgie donne de bons résultats mais doit être proposée en dernier recours avec le risque d'une perte de longueur de verge.
Se souvenir que beaucoup d'hommes n'ont pas une verge totalement rectiligne en érection et en sont très heureux! Donc en l'absence de troubles érectiles et de gène à la pénétration, on peut ne rien faire ou bien simplement utiliser un extenseur pénien pour récupérer quelques degrés et parfois gagner quelques cm…