Cet article est un point de vue personnel sur la question. D’autres urologues ou thérapeutes pourront avoir un avis bien différent.

De nombreux patients adressés à ma consultation pour troubles de l'érection me demandent s’il vaut mieux injecter des cellules souches ou du PRP dans le pénis afin d’améliorer leur fonction érectile altérée. La question va se poser de plus en plus dans la mesure où les médecines régénératives sont en plein essor pour cette pathologie.

De quoi s'agit-il exactement ? Le PRP est du plasma enrichi en plaquettes provenant d’un échantillon de sang prélevé chez le patient à traiter. Les plaquettes ne sont pas des cellules ou plutôt ce sont des cellules (mégacaryocyte) ayant perdu leur noyau et qui deviennent des réservoirs de protéines et de facteurs de croissance impliqués dans la cicatrisation et la régénération tissulaire. Lorsqu’une blessure se produit, les plaquettes du sang déversent leur contenu (phénomène de dégranulation) à l’endroit de la lésion pour que la régénération commence.

Les cellules souches sont des cellules immatures (non différenciées) qui ont la faculté théorique pouvoir se transformer en cellules matures comme des cellules musculaires, vasculaires, nerveuses etc… Les principales sources de cellules souches actuellement utilisées se trouvent dans la moelle osseuse et le tissu adipeux (la graisse de la paroi abdominale). Ces cellules ont une capacité de survie nettement supérieure aux cellules matures si bien que l'on peut les prélever et les transplanter dans un tissu ou un organe lésé avec un taux de survie élevé, ce qui n’est pas le cas des cellules matures. Depuis plusieurs décennies, l’utilisation de cellules souches a été envisagée pour réparer à peu près tous les types d'organe ou tissus lorsqu'ils sont déficients, cœur, cerveaux, foie, peau, muscle, etc... Cependant, leurs mécanismes d'action sont nombreux et ce phénomène de transformation des cellules souches en cellules déficientes au sein d’un l'organe lésé est apparu comme anecdotique par rapport aux autres mécanismes d'action puissants découverts par la recherche biomédicale. Il a notamment été découvert que les cellules souches exercent une puissante action régénératrice en augmentant la concentration locale de facteurs de croissance au site d'injection (1). Ce mode d’action, encore nommé « effet paracrin » et qui apparait désormais comme prépondérant par rapport aux autres modes d’action des cellules souches n'est donc finalement pas très différent de celui d'une injection de plaquettes sanguines, la différence étant que la cellule souche peut survivre assez longtemps au site d’injection alors que les plaquettes vont simplement décharger leurs facteurs de croissance avant de disparaître. Les autres mécanismes d'action des cellules souches sont des effets immunomodulateurs, l'activation des cellules régénératrices de l’hôte ou le transfert de mitochondries (source d’énergie cellulaire) vers les cellules malades : ces mécanismes d'action sont donc multiples mais s’il on reste pragmatique, celui que l'on recherche avant tout est l’effet paracrin des cellules souches.

Dès lors, il devient licite de se poser la question du meilleur candidat pour une biothérapie visant à régénérer un organe ou une fonction par un effet paracrin: PRP ou cellules souches ?
Nous avons effectué des essais cliniques chez l’Homme afin de tester les injections de cellules souches ou de PRP pour traiter des troubles de l'érection sévères. Dans un essai clinique publié dans la revue European Urology en 2016 (2, 3), nous avons constaté que l'injection de souches issues de la moelle osseuse dans le pénis de patients présentant un trouble de l'érection très sévère après chirurgie de cancer de prostate permettait d'obtenir gain de fonction érectile de 10 points en moyenne sur l'échelle IIEF (allant de 0 à 30 : 0 correspondant à aucune activité sexuelle en raison d’une perte totale d’érection et 30 correspondant à une érection normale maximale).
Dans un autre essai clinique publié en 2022 (4), nous avons étudié les effets d’injections de PRP chez des patients présentant un trouble de l’érection vasculaire et constaté que ce traitement permet d'améliorer la fonction érectile de 4 points sur cette même échelle. Par conséquent, les résultats de ces essais cliniques pourraient laisser penser que l’injection de cellules souches médullaires est la biothérapie de choix pour la dysfonction érectile. Cependant, deux considérations majeures viennent pondérer cette conclusion.

Premièrement, le prélèvement de cellules souches est toujours un geste invasif que ce soit dans l’os de la hanche pour obtenir de la moelle osseuse ou par lipoaspiration de la graisse abdominale. Habituellement, une anesthésie générale est nécessaire et donc une hospitalisation ; d’autre part, pour les cellules souches issues de la graisse, un processus de digestion enzymatique est nécessaire avec possiblement des effets délétères sur la survie cellulaire. Le processus d’obtention des cellules souches n’est donc pas dénué de risque et on ne peut le répéter indéfiniment. En revanche, l’obtention de PRP se fait en consultation par un simple prélèvement sanguin au bras comme lorsque l’on fait une prise de sang pour analyse sanguine. Cela peut donc être répété sans trop de contraintes. Dès lors, on peut se poser la question : vaut-il mieux une seule injection de cellules souches avec une procédure invasive et générant un gain de fonction érectile de 10 points, ou bien faire des injections de PRP peut être moins efficaces à l’unité mais qui peuvent être répétées presque indéfiniment, ou du au moins, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’amélioration ? L’idéal serait de d’effectuer un essai clinique comparant les effets d’une injection de cellules souches et des injections répétées de PRP afin de voir si les effets à long terme sont équivalents. Pour le moment, aucune étude de ce type n’est en cours.

Deuxième point et non des moindres : l’aspect réglementaire. L’injection de cellules souches est une thérapie cellulaire, soumise à une réglementation très stricte. L’injection de PRP n’est pas une thérapie cellulaire car les plaquettes ne sont pas des cellules (ce sont d’anciennes cellules ayant perdu leur noyau). Alors que la réglementation Européenne impose un prérequis drastique avant de pouvoir pratiquer chez l’Homme une thérapie cellulaire -en pratique des années de recherche, de tests en laboratoire et d’essais cliniques institutionnels- il n’y a pratiquement aucune contrainte imposée avant d’effectuer des injections de PRP alors que l’effet recherché (paracrin) est le même ! D’où la diffusion beaucoup plus rapide des traitements par PRP, alors que la plupart des études précliniques ont porté sur la thérapie cellulaire.

Pour ces deux raisons (possibilité de répéter le geste et absence de contraintes réglementaires), on peut se demander si les injections de PRP, ne sont pas en passe de devenir la principale biothérapie pour les troubles sexuels.  Ainsi, la recherche biomédicale sur les thérapies cellulaires a permis de mieux comprendre les mécanismes d’action complexes des cellules souches et en particulier de découvrir leur mécanisme d’action principal médié par l’apport de facteurs de croissance ; l’utilisation plus simple du PRP est -pour le moment- l’un des moyens considérés pour appliquer à l’Homme ces connaissances.

REFERENCES

  1. Yiou R, Mahrouf-Yorgov M, Trébeau C, Zanaty M, Lecointe C, Souktani R, Zadigue P, Figeac F, Rodriguez AM. Delivery of human mesenchymal adipose-derived stem cells restores multiple urological dysfunctions in a rat model mimicking radical prostatectomy damages through tissue-specific paracrine mechanisms. Stem Cells. 2016 Feb;34(2):392-404.
  2. Yiou R, Hamidou L, Birebent B, Bitari D, Le Corvoisier P, Contremoulins I, Rodriguez AM, Augustin D, Roudot-Thoraval F, de la Taille A, Rouard H. Intracavernous Injections of Bone Marrow Mononucleated Cells for Postradical Prostatectomy Erectile Dysfunction: Final Results of the INSTIN Clinical Trial. Eur Urol Focus. 2017 Dec;3(6):643-645.
  3. Yiou R, Hamidou L, Birebent B, Bitari D, Lecorvoisier P, Contremoulins I, Khodari M, Rodriguez AM, Augustin D, Roudot-Thoraval F, de la Taille A, Rouard H. Safety of Intracavernous Bone Marrow-Mononuclear Cells for Postradical Prostatectomy Erectile Dysfunction: An Open Dose-Escalation Pilot Study. Eur Urol. 2016 Jun;69(6):988-91.
  4. Schirmann A, Boutin E, Faix A, Yiou R. Pilot study of intra-cavernous injections of platelet-rich plasma (P-shot®) in the treatment of vascular erectile dysfunction. Prog Urol. 2022 Jun 10:S1166-7087(22)