Certaines questions reviennent régulièrement en consultation lorsque l'on propose à un patient présentant un trouble de l’érection de prendre un médicament comme le Viagra®, Cialis® ou des injections intracaverneuses : « Vais-je devenir dépendant à ce traitement ? », « Serais-je obligé de le prendre en toute ma vie ? « Vais-je être tout le temps en érection avec ces médicaments ? »  La nécessité de programmer un rapport sexuel ou le conditionner à une prise médicamenteuse est source d'angoisse.

Plusieurs notions importantes sont à connaître :


– Il faut savoir que les troubles de l'érection sont extrêmement fréquents dans la population générale. Plus d’un homme sur deux en sera affecté au cours de sa vie de manière transitoire ou prolongée. Ces troubles sont multifactoriels et peuvent avoir des causes psychologiques (ex : angoisse de performance+++), vasculaires, neurologiques, endocriniennes. Les médicaments comme le Viagra®, Cialis® ou Spedra®, appartenant à la même classe de médicaments (inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 ou iPDE5), ne sont que des facilitateurs de l’érection accentuant le processus physiologique vasculaire normal ; ils ne déclenchent pas d’érection en l’absence de stimulation sexuelle. L’utilisation d’iPDE5 permet d'évaluer la fonction érectile globale et la réserve de tissu érectile fonctionnel. La première prescription de ce type de médicament constitue donc une sorte de test thérapeutique. Une bonne réponse à l’un de ces traitements signifie l’absence de d’atteinte sévère vasculaire, neurologique ou endocrinienne. Lorsque ses traitements sont inefficaces on prescrit généralement des explorations plus poussées.

– Il n'y a aucune dépendance physique à ces médicaments. Au contraire, leur administration prolongée aurait même tendance à améliorer les érections naturelles. On peut prendre comme exemple les troubles de l'érection sévères survenant après chirurgie d'un cancer de prostate (prostatectomie radicale). Il s’agit d’un contexte particulier mais qui a fait l’objet d’un très grand nombre d’études et peut donc servir de modèle pour la compréhension de la physiopathologie des troubles de l’érection et des possibilités de récupération. Cette intervention cause des dommages sévères des vaisseaux sanguins et des nerfs du pénis entrainant une perte totale des érections (érections lors des rapports sexuels et érections nocturnes). Il a été montré que la prise d'un traitement médical intensif pour les érections, instauré très rapidement après la prostatectomie radicale, augmentait significativement le retour d'érections naturelles en comparaison des patients ne prenant aucun traitement et chez qui la marge de récupération restait quasiment nulle avec le temps (1). On a ainsi défini le concept de réhabilitation ou de rééducation sexuelle pour décrire cette notion de récupération ou de préservation de la fonction érectile naturelle à l’aide d’un traitement médical, de la même manière que l'on parlerait de rééducation motrice après traumatisme d'un membre à l’aide d’un appareil de musculation. Plus l’on va stimuler médicalement la fonction érectile, plus elle va devenir naturellement performante. Ceci ne garantit pas un retour à la normale et l’ampleur de cette amélioration est éminemment variable d’un patient à l’autre, mais dans ce contexte de trouble érectile post-chirurgical, ne prendre aucun traitement érectile aboutit à une perte définitive des érections avec une diminution de la taille du pénis. Comme disait Lamarck, « la fonction crée l'organe », et la perte de la fonction entraine une atrophie de l’organe.  Dans une autre étude (2), il a été montré que la prise quotidienne de Viagra après prostatectomie radicale favorisait la réapparition des érections nocturnes témoignant de l’effet bénéfique d’un traitement sur le long terme.

– Enfin, s’il existe un trouble de l’érection sévère lié à une atteinte des vaisseaux sanguins du pénis (ce qui est en pratique la situation la plus fréquente en cas de troubles érectiles sévères chroniques), il existe maintenant de nouveaux traitements dont la vocation est de tenter de réparer ces lésions. Il s’agit des injections de PRP et traitements par ondes de choc (voir articles correspondants). Dans ce cas, l’association à un traitement médical permet d’accentuer encore la régénération.

Au total, ne pas craindre de prendre un traitement pour favoriser les érections car il n’y a pas de dépendance physique et la prise prolongée a plutôt un effet bénéfique sur les érections naturelles (s’il existe des lésions organiques à l’origine du trouble). Bien sûr, ces traitements peuvent ne pas être efficaces et il est alors nécessaire de refaire le point avec votre spécialiste. 

REFERENCES

  1. Recovery of spontaneous erectile function after nerve-sparing radical retropubic prostatectomy with and without early intracavernous injections of alprostadil: results of a prospective, randomized trial. Montorsi F, Guazzoni G, Strambi LF, Da Pozzo LF, Nava L, Barbieri L, Rigatti P, Pizzini G, Miani A. J Urol. 1997 Oct;158(4):1408-10.
  2. Return of nocturnal erections and erectile function after bilateral nerve-sparing radical prostatectomy in men treated nightly with sildenafil citrate: subanalysis of a longitudinal randomized double-blind placebo-controlled trial. Andrew R McCullough , Laurence A Levine, Harin Padma-Nathan, J Sex Med 2008 Feb;5(2):476-84.